Sabine Weiss, l'artisan photographe qui a marqué le 20ème siècle

Sabine Weiss est une photographe franco-suisse, née en 1924 et décédée le 28 décembre 2021, il y a un peu plus d’un an maintenant. Cette artiste qui a vécu 80 années de carrière dans la photographie et une bonne partie dans l’ombre de ses confrères masculins, a porté le courant humaniste aux côtés de Robert Doisneau.

Ce courant est le reflet de qui elle est, une femme aux plus proches des gens, de la société et des mouvements de vies des plus futiles aux plus complexes.

Mode, publicités, reportages, portraits, travaux personnels et internationaux, elle a tout couvert en préservant son essence et ce qu’elle voulait transmettre. 

Trouver Mon Photographe vous présente Sabine Weiss, celle qui transpose la technique et l’humain au cœur de toutes ses œuvres.

L’humain plus que tout

Les photographies de Weiss dénoncent et témoignent des périodes de l’après-guerre, de la vie quotidienne et de l’agitation citadine. À la manière d’Émile Zola, par l’image physique et non-mentale, cette photographe se fait un devoir de transmettre la société à l’état brut même si elle n’est pas toujours belle à confronter. 

Pourtant, une certaine poésie dans ses photographies rehausse miraculeusement les mauvaises conditions sociales encore marquées au milieu du 20e siècle. Par exemple, un petit mendiant en Espagne ou la photo d’un jeune mineur dans le nord de la France prises en 1957, inscrivait dans l’histoire ce fait social : les enfants risquaient leur vie dans les mines pour rapporter du pain à leur famille.

Elle parvient tout de même à capturer des moments et sujets plus gais tels que des enfants en train de jouer, des mariages ou des baisers tendres, et de larges sourires esquissés par des vieillards.

Sabine Weiss raconte dans une interview la fois où elle a failli se faire violenter par deux hommes pour avoir pris en photo, à la volée, une jeune fille devant un bistro. Cet artisan de la photographie défend alors un certain droit à l’image, celui qui n’est pas trop rigide et fermé. Prendre des photographies de rues, de les préserver et de les publier plus tard, devrait être selon Sabine Weiss, possible à partir du moment où on explique à son sujet sa démarche et que l’on ne détourne pas ses photos de l'objectif premier ainsi expliqué.

La sobriété et la simplicité sont les maîtres-mots de son travail. Et le dialogue avant tout, est au centre de ce dernier. Ainsi, la qualité de ses portraits fugitifs dépend de la relation qu’elle réussissait à instaurer avec son sujet.

Pour finir, l’absence de toute suffisance, mais la présence d’une “malice”, comme disait Doisneau, font le charme et l'audace des réalisations de Sabine Weiss.

La technique dans ses oeuvres

Ses œuvres reposent essentiellement sur l’instantanéité, cet artisan de la photographie n’aime pas la mise en scène contrairement à beaucoup de ses confrères. Elle aime le vrai, l’authenticité même si elle a pu admettre être amené à jouer avec la vérité du moment que la photo en est meilleure. 

Cependant, étant une artiste honnête bien qu’elle ne veuille pas l’admettre dans ses interviews, cette photographe limite ce jeu aux réalisations qui ne portent pas sur un fait d’actualité.

Dans la majorité de ses œuvres photographiques personnelles, on y retrouve le monochrome. Sabine Weiss a toujours privilégié la photo argentique, une méthode qui lui procurait davantage de plaisir que la photo numérique et de couleurs.

Pour cette dernière, l’usage du noir et du blanc permettent de rendre une image immortelle. Pourtant, à ses prémices, c’était plutôt une question de praticité, car l’argentique était au début du 20e siècle, plus rapide et plus facile d’utilisation. Cela devient plus tard un véritable choix artistique affirmant son style et l’inscrivant définitivement comme photographe du noir et blanc.

Les images produites par Sabine Weiss sont un concentré de blancs éclatants comme le sourire de ses vieillards et de noirs profonds comme les traces de la misère sociale. 

Son cadrage est précis, ses ambiances sont propres à l’artiste.

“Lumière, geste, regard, mouvement, silence, repos, rigueur, détente, je voudrais tout incorporer dans cet instant pour que s'exprime avec un minimum de moyen l'essentiel de l'homme” dit-elle dans le livre autobiographique de Jean Vautrin. Cette phrase définit parfaitement son style qui retranscrit l’amour qu’elle a pour la vie et les gens.

Parmi les oeuvres de Sabine Weiss, se trouve les portraits fugitifs qu’elle appréciait grandement réaliser, d’artistes connus et reconnus tels que les acteurs Charlie Chaplin dans un roi à New York, Yves Montand ou Brigitte Bardot, le sculpteur peintre et graphiste Alberto Giacometti, l’écrivain absurde Samuel Beckett… 

Son parcours 

Son parcours est aussi riche que ses photographies.

En 1935, alors qu’elle n’a que onze ans, Sabine Weiss crée son premier film photographique.

De 1946-50, elle devient l’assistante du photographe de mode Willy Maywald à Paris.

Cette photographe produit des collections prestigieuses exposées aux MoMa et Metropolitan Museum of Art de New York, Centre Georges Pompidou, Art Institute de Chicago, Museum of Modern Art de Kyoto, etc.

Sabine Weiss est honorée par le titre d’Officier des Arts et des Lettres depuis 1999. 

En 2010, elle reçoit les insignes de Chevalier dans l’ordre du Mérite et dix ans plus tard elle sera sacrée lauréate du Prix Woman In Motion pour la photographie, clôturant ainsi sa magnifique et longue carrière.

Sabine Weiss a fini de témoigner des moments de l'existence, mais ses photographies continueront de les raconter.